Cardinal Edifice, filiale Bâtiment du groupe NGE, Implantée à Paris, Rennes et Marseille est parmi les plus importantes entreprises de Bâtiment en France.
Forte de ses 650 collaborateurs et réalisant un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros, Cardinal Edifice à crée un service BIM en 2015
Benoît Lecrioux, Responsable BIM nous livre à continuation son témoignage sur le déploiement du BIM.
1. Pourriez-vous nous parler des projets que Cardinal Edifice a mené en BIM et les résultats obtenus ?
Depuis la création du service BIM en 2015, Cardinal Edifice a participé à une dizaine de projets de construction menés en BIM dont certains sont toujours en cours. Je ne compte ici que les projets en BIM de niveau 2 avec une collaboration et un échange de modèles entre plusieurs corps de métiers. D'une manière plus générale, l'utilisation de maquettes numériques se fait aujourd'hui sur environ la moitié de nos projets.
Les gains constatés sont très liés aux types de marché et à l'organisation mise en place pour atteindre les objectifs BIM identifiés. Ainsi, un projet de conception-réalisation permet de mettre en place une stratégie BIM très tôt et de définir une répartition pragmatique du rôle de chacun, en phase avec la maturité BIM des membres du groupement et des entreprises partenaires.
En tant qu'Entreprise Générale, les usages BIM présentant le plus d'intérêt sont clairement la coordination en phase de synthèse et la revue de projet. L'utilisation des maquettes numériques permet d'avoir une lecture plus rapide et plus précise, et ainsi une meilleure anticipation des problématiques lors de sa mise au point technique. Plus elles sont vues tôt, moins l'impact financier est préjudiciable. Il est donc primordial de consacrer de l'énergie et des moyens dans la phase études, pour favoriser une exécution sans mauvaise surprise.
Le gain de temps ayant été mis en exergue parmi les avantages du BIM, nous avons été surpris par le temps nécessaire pour réaliser la synthèse sur notre premier projet en BIM, le Centre de Soins Dentaire du CHU de Rennes. Cette phase a été sensiblement plus longue, que ce dont nous avions l'habitude. Mais nous avions conscience que la détection de conflits automatisée, nous amenait plus dans le détail. Si l'informatique ne remplace pas une analyse visuelle complémentaire, cela permet d'être beaucoup plus exhaustif et de ne pas passer à côté de problématiques potentiellement lourdes de conséquences.
Ce projet a été livré avec un mois d'avance, même s'il est trop simplifié de faire un lien direct entre ce gain et l'utilisation du BIM, il y a certainement contribué. Le chef de projet a constaté une diminution significative des erreurs liées aux réservations dans la structure et une plus grande sérénité sur chantier. Le fait de ne pas avoir à trouver des solutions de dernier recours pendant l'exécution a permis à l'encadrement de chantier de se consacrer davantage à l'anticipation des commandes, à la planification et au phasage des travaux. Il faut donc voir le gain dans son ensemble.
Plus récemment, pendant l'épisode de confinement lié au Covid-19, l'usage des maquettes numériques et la centralisation des échanges et des informations sur une plateforme collaborative, nous a permis de poursuivre à distance les études de synthèse de l'Arena du Futuroscope, dont les travaux viennent de démarrer. Difficile d'imaginer il y a quelques années rassembler une dizaine d'intervenants autour d'une compilation de maquettes numériques, hébergées sur le cloud, lors d'une réunion en vidéo-conférence ! La pertinence de ces outils numériques et du BIM a été clairement démontrée.
2. D'après vous comment les entreprises du secteur peuvent démarrer une démarche BIM et quels sont les résultats à court terme qu’elles peuvent envisager ?
Pour démarrer une démarche BIM, il est essentiel d'avoir une vision globale. Il ne faut pas hésiter à se réinterroger sur son organisation et ses pratiques internes pour faire évoluer les processus de l'entreprise. C'est certainement une des difficultés majeures de cette transition car elle heurte les habitudes. La conduite du changement doit s'opérer non seulement en interne mais parfois aussi avec les partenaires externes avec qui on doit partager une vision commune. L'un des principes du BIM est de s'affranchir des nombreuses ressaisies qui existent dans nos métiers et d'utiliser de manière plus directe la donnée d'un autre intervenant, qu'il soit interne ou externe.
Implémenter le BIM métier par métier, ou service par service, conduit à changer d'outils mais n'apporte pas les gains de temps escomptés. Le risque est d'ajouter des étapes qui viennent en surcouche de la méthode actuelle, car elle engendre forcément un surcoût et diminue les gains potentiels.
Pour optimiser ce temps, il est nécessaire de comprendre comment la donnée produite par un service est utilisée par les autres et parfois accepter que l'effort supplémentaire consenti ne profite pas toujours directement à celui qui produit, mais sera en revanche rentable quand on raisonne de manière globale sur le projet. L'exemple des métrés est un bon exemple. Ils sont souvent faits plusieurs fois pour un même projet car il existe plusieurs façons de quantifier et de regrouper, mais un chargé d'études de prix n'aura pas les mêmes besoins qu'un ingénieur méthodes ou qu'un conducteur de travaux. Il faut donc que la base de données initiale soit suffisamment complète pour que chacun accède à ce dont il a besoin. Les informations supplémentaires rentrées par celui qui réalise le métré lui prendront un peu plus de temps mais éviteront aux deux autres de refaire un métré en repartant de zéro.
On peut appliquer le même principe avec des partenaires externes en se demandant qui est le mieux placé pour modéliser et renseigner de la donnée, et accepter de redistribuer une partie de son propre gain, à celui qui injecte la donnée dont on profite.
Au-delà de la donnée, le bénéfice le plus immédiat est apporté par la rapidité de compréhension d'un projet permis par la 3D avec la possibilité de l'observer sous tous ses angles. Cette dimension supplémentaire nécessite très vite de se poser plus de question car il est difficilement acceptable de visualiser quelque chose d'incohérent, sans agir. En 2D, l'absence d'une cote, d'une information ou d'une coupe saute moins aux yeux. L'énergie nécessaire en démarrage d'études est donc plus importante mais on y gagne en anticipation et en précision de conception, et le bénéfice se retrouve en exécution où on retrouve moins d'erreur et de malfaçon.
Enfin, je constate une meilleure appropriation du BIM quand le changement de la méthode de travail se fait de manière franche, en limitant la période de cohabitation des 2 processus. Il est donc important de prendre en compte dans la réflexion, que des projets se font encore en 2D et que l'approche envisagée doit si possible s'adapter aux 2 types de projets.
3. En tant que Responsable BIM quels sont vos besoins pour aller plus loin dans l’implémentation du BIM au sein de Cardinal Edifice ?
L'un des freins au déploiement plus massif du BIM est l'absence de cadre commun qui nous oblige à adapter nos méthodes de travail de projet en projet. Certes, certaines pratiques sont devenues courantes et usuelles mais il n'existe, par exemple, aucune norme imposant la façon de modéliser et listant la donnée devant être présente dans les objets. Il existe plusieurs documentations pertinentes réalisées par des collectifs de professionnels qui proposent et ouvrent la voie à cette standardisation, mais les initiatives sont nombreuses et pas systématiques sur les projets où chacun définit son propre modèle. On s'éloigne alors des préceptes du BIM quand il est nécessaire de reparamétrer ses outils, voire de remodéliser une maquette avec ses standards internes.
Au sein de Cardinal Edifice, nous nous appuyons sur les formats ouverts tels que l'IFC ou le BCF de manière à uniformiser au mieux nos méthodes de travail d'un projet à un autre, tout en laissant une part de liberté à l'utilisateur dans l'utilisation de son logiciel quotidien.
Personnellement, je ne crois pas à l'outil capable de répondre correctement à tous les besoins, l'interopérabilité et la connexion entre logiciel sont donc indispensables pour maintenir la centralisation de la donnée à laquelle a contribué le BIM. L'essor des plateformes en ligne conduit sur certains projets à des dérives qu'il faudrait solutionner de manière rationnelle.
Dans certains cas, ces plateformes d'échanges sont multipliées en fonction du type de marché et de l'intervenant qui choisit et finance l'outil. Il est par exemple encore courant de constater une scission entre la gestion documentaire 2D et la gestion des maquettes numériques. S'il est concevable de changer de plateforme d'une phase importante d'un projet à une autre, en avoir plusieurs en même temps conduit nécessairement à de la copie de données, et efface donc la notion de centralisation.
D'un autre côté, la concentration de la donnée peut aussi avoir l'effet de diluer dans la masse l'information pertinente. Ces outils doivent donc permettre le paramétrage d'espaces de travail personnalisés permettant d'accéder rapidement aux renseignements et aux alertes liées au rôle de chacun au sein du projet. On peut même imaginer une sorte d'hyperviseur, capable de se connecter à diverses plateformes et sources de données, permettant de personnaliser son propre tableau de bord.
Benoît LECRIOUX - Responsable BIM - Cardinal Edifice, filiale du Groupe NGE
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