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La reprise des chantiers à l'aune du déconfinement



La présence du risque Covid-19 sur le territoire a remis en cause l’organisation classique d’un chantier et sera probablement à l'origine de nombreux contentieux.


L’activité des chantiers qui a déjà pu reprendre pour certaines opérations va se généraliser avec le déconfinement opéré à partir de lundi 11 mai 2020.


Sur le plan juridique, cette reprise de l’activité implique de s'intéresser à plusieurs problématiques reprises ci-après en synthèse, à savoir notamment le respect des obligations à mettre œuvre pour éviter la contagion de l’épidémie, les conséquences liées à la prolongation des délais d’exécution ou les responsabilités encourues.

  • Recommandations pour la reprise des chantiers

Le plan de déconfinement mis en œuvre à partir du 11 mai 2020 ne modifie pas les règles définies par le guide OPPBTP, entrée en vigueur le 2 avril 2020.


Bien que ce guide n’ait aucune valeur normative légale ou règlementaire, il reste un cadre permettant d’organiser la reprise aux côtés de la règlementation applicable en matière de chantier (Code du travail, Code de la construction et de l’habitation, DTU)...


- Avant la reprise effective

Le Maître d’ouvrage doit avant tout élaborer une liste des conditions sanitaires afin de s’assurer que les différents acteurs pourront mettre en œuvre et respecter, dans la durée, les mesures édictées.


S'il estime que les conditions sont remplies, le maître d'ouvrage doit obtenir l’accord respectifs de chaque intervenant pour reprendre le chantier.


Il est conseillé de laisser de formaliser la reprise en vue de répartir le rôle et les responsabilités de chacun : une fiche relative à l’intervention des entreprises doit être remplie par le Maître d’ouvrage.


Le Maître d'œuvre d'exécution a un rôle prépondérant quant au choix de reprendre l'activité.


Le coordonnateur SPS doit quant à lui procéder à l'actualisation de son plan de sécurité et de santé. De même, les entreprises doivent également modifier leur plan de coordination particulier et établir un questionnaire de vérification de la santé des salariés et notamment détailler les conditions sanitaires mises en œuvres.


- Pendant les travaux

Il s’agit de s’assurer des modalités à respecter pendant l'exécution des travaux :


> Désigner un référent Covid-19

Il importe que chacun des acteurs puisse désigner un référent Covid-19 chargé d’assurer le respect des règles d’hygiène et de sécurité. Le Maître d’ouvrage doit quant à lui désigner un coordonnateur référent Covid-19 qui a pour rôle de coordonner l’ensemble des référents.


> Présenter les consignes de sécurité à respecter avec une signalétique


> Assurer les règles d’hygiènes et les gestes barrières (port du masque, gel, vestiaires, transports…)


> Limiter la co-activité


> Redécouper le planning pour ne pas avoir de co-activité


> Déclarer l’ouverture de chantier après un nouvel ordre de service de redémarrage

  • Prolongation des délais de chantier et les conséquences financières

La crise sanitaire a nécessairement impacté le calendrier prévisionnel d'exécution des opérations de construction.


Les conséquences portent sur la suspension des travaux durant le confinement et sur le temps supplémentaire liés aux modalités organisationnelles du chantier générée par l'absence de coactivité.


Le guide OPPBTP ne revient pas sur la prise en charge des surcoûts qui sont susceptibles d'être générés.


Les questions purement financières doivent être appréhendées avant la reprise du chantier et en concertation avec l’ensemble des acteurs. Le secteur du BTP appelle notamment le gouvernement à réfléchir à des mesures d'incitation ou d'aide (dispositif d'heures supplémentaires défiscalisées...)


Quoi qu'il en soit et dans l'immédiat, il est conseillé de s’intéresser à la rédaction de l’ordre de service de reprise ou d’aménagement des règles du chantier où des réserves doivent être émises afin de préserver les droits de chacun (augmentation du coût de la main d'œuvre, retards, ralentissement de la productivité).


Par ailleurs, la question de la prise en charge des surcoûts par les compagnies d'assurance se pose. Les polices d'assurances n'ont a priori pas vocation à couvrir les surcoûts subis. Cela s'explique d'une part par l'absence de faute de l'une des parties (MO, MOE ou entreprise) lié à la suspension du chantier et d'autre part de l'absence de dommage matériel, fait générateur de la garantie. Il convient néanmoins de vérifier l'étendue des polices d'assurance notamment au titre de la garantie perte d'exploitation qui a pu être souscrite.


En toutes hypothèses, il est recommandé aux acteurs concernés de s'entourer d'un conseil juridique spécialisé pour préserver leurs droits.

  • Les responsabilités encourues

S’agissant des risques liés à la santé et à la sécurité, tous les intervenants au chantier ayant personnellement commis une faute peuvent être poursuivis par la victime et être condamnés (article 121-1 du Code pénal). L’employeur a une obligation de moyen renforcé d’assurer la protection des salariés, il pourrait également être recherché au titre de la faute inexcusable. Toutefois, la présence d’un virus ne constitue pas un événement soudain causant une lésion immédiate, caractérisant la matérialisation d’un accident du travail. Il ne semble donc pas possible de retenir la faute inexcusable dans cette situation.


Le Maître d’ouvrage est également responsable sur le plan civil et pénal de l'organisation et de la sécurité du chantier.


En outre, si le chantier a été suspendu, l’entreprise en a conservé la garde de l’ouvrage et peut donc assumer les pertes ou dégradations occasionnées sur site.


La reprise des chantiers n'est donc pas sans poser des difficultés pratiques eu égard aux freins constitués par l'ensemble des mesures à respecter ainsi qu'aux conséquences juridiques et financières qu'elle engendre. Le guide de l'OPPBTP doit notamment être prochainement réactualisé au regard des problématiques soulevées par les acteurs (prise en charge des surcoûts, qualité du référent Covid 19...).


Pour approfondir

Outre le guide OPPBTP, plusieurs outils sont mis en ligne pour accompagner les différents acteurs à la reprise :


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Louise Gaentzhirt est avocate et inscrite au barreau de Paris depuis 2010. Elle est dotée d’une expertise en droit de la construction et en droit de l’urbanisme. Elle accompagne ses clients en matière de négociation et rédaction de contrat en France et à l’international, dans des montages immobiliers complexes, d’audit de permis de construire, dans les problématiques liées aux exécutions de chantiers, etc. Elle représente également ses clients dans les expertises amiables ou judiciaires et défend leurs intérêts en matière de responsabilité des constructeurs (garanties contractuelles, de parfait achèvement, de bon fonctionnement et décennale).


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